République du congo

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Organization

AZUR Développement

 

Introduction

Dans un monde qui s’oriente vers une société de l’information, la République du Congo accuse un certain retard. Ayant reconnu le rôle important que peuvent jouer les technologies de l’information et de la communication (TIC), le pays fait de son mieux pour rattraper son retard et pour réduire, malgré les difficultés, la fracture numérique qui s’est élargie au cours des années.

Estimée à plus de 3 millions d’habitants, la population congolaise est composée de 51 % de femmes et 49 % d’hommes. Elle est concentrée dans la partie sud du pays (plus de 80 %), où la majorité de la population vit dans les régions urbaines (66 %). La densité de population moyenne du pays est d’environ 8,4 habitants par kilomètre carré.

La République du Congo est en grande partie recouverte de forêts (60 % du territoire) entrecoupées de savanes. Son réseau routier compte 12 745 kilomètres et au moins 10 % des routes sont pavées. La ligne de chemin de fer Congo-Océan (510 kilomètres), terminée en 1934, a besoin de réparations. Les principaux aéroports sont situés à Brazzaville (Maya-Maya), la capitale politique, et Pointe-Noire (Antonio Agostino Neto), la capitale économique, et les principaux ports se trouvent à Brazzaville (port fluvial) et Pointe-Noire sur l’Atlantique.

L’activité économique de la République du Congo est dominée par le secteur pétrolier. La part du produit intérieur brut (PIB) que représente la production de pétrole brut est passée de 53,6 % en 2002 à 70,4 % en 2006. Les transports et les communications représentent de 4 % (en 2006) à 5,1 % du PIB.

Le ministère des Postes et des Télécommunications, responsable des nouvelles technologies, a commencé à formuler une stratégie nationale de TIC à la fin de 2004, avec l’aide du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Mais ce document n’a jamais été adopté par le conseil des ministres.

Cette stratégie nationale a été une des sources d’information de ce rapport, qui s’appuie également sur des interviews avec les parties prenantes du secteur des TIC.

Formulation de la politique nationale de TIC

La politique nationale de TIC formulée en 2004 visait à réduire la pauvreté et intégrer la population congolaise à l’ère de la société de l’information. Pour ce faire, plusieurs objectifs ont été fixés:

  • Accélérer le développement d’un réseau économique viable et durable contribuant à la création d’emplois
  • Soutenir l’accès aux TIC de la population urbaine et rurale et des régions désavantagées
  • Assurer une infrastructure des TIC
  • Définir un cadre légal et réglementaire adapté aux TIC
  • Développer les capacités en TIC et transformer le système éducatif grâce aux TIC
  • Promouvoir la bonne gouvernance à l’aide des TIC.

Mais la mise en œuvre de la politique n’a pas été facile. Depuis quatre ans, trois changements de ministre des Postes et des Télécommunications en charge des nouvelles technologies sont intervenus. Parallèlement, peu d’institutions et d’organisations non gouvernementales (ONG) participent à la politique de TIC ni au secteur. Ceux qui participent cherchent à populariser les TIC, à créer des services grâce à elles et à sensibiliser la population à leur utilisation pour le développement communautaire.

La société civile a participé aux discussions nationales pendant les réunions préparatoires au Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) qui se sont déroulées en République du Congo, mais seule une organisation de femmes a contribué aux discussions. Pour certaines de ces organisations, la politique de TIC est un secteur technique réservé aux hommes et elles préfèrent plaider pour d’autres causes.

D’autre part, les TIC n’étant pas considérées comme une priorité pour le développement, le financement des travaux des organisations de la société civile sur les TIC est très limité. Les donateurs préfèrent financer des projets et des programmes en rapport avec le VIH/sida, l’établissement de la paix et le développement rural.

Accès à l’infrastructure
Téléphonie conventionnelle

La fin de l’Office national des Postes et des Télécommunications (ONPT), l’opérateur monopolistique étatique, a abouti à la création de deux entités publiques : la SOPECO pour les services postaux et SOTELCO pour les télécommunications.

Mais l’infrastructure des télécommunications dont SOTELCO a hérité était désuète et ne comprenait que des services téléphoniques filaires pour les deux grandes villes de la République du Congo, Brazzaville et Pointe-Noire. Presque toutes les lignes fixes sont utilisées par des compagnies privées, l’administration publique et des centres d’appel publics. Les téléphones fixes ne sont plus utilisés par les particuliers à la suite de la destruction de l’infrastructure pendant les troubles sociopolitiques qui ont ravagé le pays dans les années 1990.

Téléphonie mobile

Celtel Congo a été créée en 1999. C’est le premier opérateur du réseau GSM de République du Congo. Début 2008, il connectait 760 villes et il projette de connecter 213 autres villes d’ici la fin 2008. Celtel a plus d’un million d’abonnés sur les 3 millions d’habitants.

MTN Congo, une autre compagnie de téléphonie mobile, est issue de l’achat de Libertis Télécom en 2005 qu’elle a renommée. Libertis Télécom a été exploitée pendant six ans. En sept ans, le capital-actions de la compagnie est passé de 20 000 dollars à 10 millions de dollars aujourd’hui. Les investissements de MTN en République du Congo sont passés de 52 millions de dollars en 2005 à près de 100 millions en 2007. Les investissements sont largement consacrés à l’amélioration de la qualité et à l’acquisition de nouveaux sites dans le pays. MTN couvre actuellement plus de 152 villes et villages. Elle a déjà attiré plus de 500 000 abonnés.

Warid Congo est le troisième opérateur de téléphonie mobile du pays. En 2006, il a signé un accord de partenariat avec SOTELCO et commencé à annoncer ses produits et ses services en mars 2008. Warid Congo prévoit de couvrir 44 villes et autres endroits du pays dans les deux prochaines années. Pour le moment, seules Brazzaville, Pointe-Noire, Oyo, Ollombo et Dolisie sont connectées.

Accès internet

Plusieurs fournisseurs de services Internet (FSI) sont présents en République du Congo : DRTVnet, A-Link, AMC Télécom, Dell Ofis, MTI et AITech Congo. Un nombre croissant de cybercafés et de télécentres sont présents dans les principales villes, Brazzaville, Pointe-Noire, Dolisie, Owando, Nkayi, Ouesso, Sibiti et Kinkala. Mais le nombre total de cybercafés et de télécentres reste faible. Alors que les compagnies de téléphonie mobile offrent des services internet pour les mobiles et les ordinateurs portables, l’accès internet en général est limité aux villes, et les régions rurales restent marginalisées.

L’accès devrait être stimulé par l’investissement de 15 millions de dollars dans un projet pilote qui fait appel à des câbles de fibre optique et qui sera réalisé en 2010.

Malgré la présence importante de compagnies qui vendent des produits TIC et de l’électronique grand public, les ordinateurs et autres équipements de technologie d’information multimédia restent chers. Un réseau de télécentres communautaires récemment créé prévoit de plaider pour un accès abordable à l’internet et aux TIC. Le coût de l’abonnement internet reste très élevé, de 200 à 700 dollars par mois, ce qui est hors de portée pour la plupart des Congolais.

Utilisation des TIC

L’accès aux TIC a considérablement modifié la société congolaise. L’ère démocratique a changé le style de vie des habitants et conduit à la libéralisation du secteur des télécommunications. Actuellement, le pays compte plus de 1 million d’utilisateurs de téléphones mobiles. Les villes autrefois isolées et inaccessibles ne le sont plus grâce au mobile.

Les entreprises qui utilisent les TIC améliorent leur rendement. Les TIC permettent également de mettre en œuvre de nombreux projets. Le secteur bancaire est un de ceux qui ont connu une transformation considérable grâce aux TIC. Les clients ne paient plus manuellement, ce qui réduit non seulement le temps d’attente mais améliore également les conditions de travail et de vie des employés des banques. Aujourd’hui, les cartes de guichet automatique permettent aux usagers de réaliser leurs opérations bancaires à n’importe quel moment.

L’administration congolaise, y compris les services de sécurité et de police, ont créé des cartes d’identité informatisées et des passeports biométriques. Les délais d’obtention de ces cartes d’identité ont été réduits de quelques mois à quelques semaines, voire même quelques jours.

Plusieurs services et emplois ont été créés grâce aux TIC, notamment des agences chargées de transférer des fonds entre les villes importantes du pays et des services de livraison de colis express. En cinq minutes seulement, on peut transférer des fonds à un membre de sa famille ou un partenaire commercial situé dans presque tous les centres du pays. Ce transfert est automatique et se fait par téléphone ou ordinateur.

Les entreprises de TIC, surtout les compagnies de mobile GSM, sont maintenant parmi les plus gros employeurs de la République du Congo. Des entreprises formelles et informelles, notamment des agences de voyage, sont apparues en rapport direct et indirect avec l’arrivée des opérateurs mobiles.

Même s’il est toujours à bas débit et relativement coûteux, l’accès à l’internet facilite l’échange d’informations et crée un climat d’ouverture. Il est possible d’accéder à toutes sortes de renseignements sur les entreprises et les services (produits, offres spéciales, horaires des vols, heures de nuit des pharmacies, médecins, hôtels et restaurants).

Les TIC ont révolutionné le monde de la radiodiffusion. Par exemple, les ordinateurs permettent de préprogrammer les émissions de télévision et de radio pour les diffuser à un autre moment. Les TIC sont également mises au service de la santé ; MTN et le Comité national sur le sida ont ainsi créé une ligne gratuite pour obtenir des renseignements sur le VIH/sida.

La technologie multimédia et numérique a révolutionné les habitudes des Congolais. Les téléphones mobiles et les caméras numériques filment les événements de la société. Les photos numériques sont rapidement développées alors qu’auparavant il fallait attendre très longtemps et le développement nécessitait un équipement et une formation coûteux.

Les TIC ont également largement contribué à la révision du registre électoral et de l’administration publique. En éducation, les TIC ont prouvé leur utilité avec l’introduction des codes-barres pour les examens. Les résultats des écoles secondaires et des établissements d’enseignement supérieur sont publiés sur internet. Auparavant, il fallait plusieurs semaines, voire plusieurs mois pour que les étudiants connaissent leurs résultats, en particulier dans les régions rurales.

Plusieurs autres projets faisant appel aux TIC sont mis en œuvre ou prévus, notamment l’incorporation des TIC dans le contrôle de l’immigration et l’informatisation des autorités portuaires. Mais l’utilisation croissante des TIC n’est pas sans conséquence, avec en particulier une résurgence de la fraude à tous les niveaux, l’accès à la pornographie à la télévision et sur internet et les escroqueries en ligne.

Renforcement des capacités

Les TIC ne font toujours pas partie du programme de l’éducation nationale. Certaines écoles ne disposent pas encore d’ordinateurs pour leurs élèves. Seule l’université nationale, l’Université Marien Ngouabi de Brazzaville, a des facultés ou des départements qui ont intégré des modules de formation à l’informatique dans leurs cours. Le campus numérique de l’université, l’Agence universitaire de la francophonie(AUF), offre l’apprentissage à distance et permet aux étudiants et aux enseignants d’accéder facilement à l’internet, et ce, à des tarifs réduits. Il existe également un programme d’apprentissage à distance affilié à Cisco à la Faculté des sciences.

Il y a deux ans, le ministère de l’Éducation technique et professionnelle a lancé un nouveau cours en sciences informatiques dans une école secondaire technique de Brazzaville. Il s’agit d’augmenter le nombre des étudiants ayant des compétences en TIC, mais pour le moment, les élèves inscrits à ce cours ne peuvent pas suivre des études universitaires en sciences informatiques car elles ne sont pas offertes à l’Université Marien Ngouabi.

Pendant longtemps, les étudiants de la République du Congo devaient se rendre à l’étranger pour suivre des études en sciences informatiques au niveau post-universitaire. La plupart s’inscrivent dans des universités et des collèges en République démocratique du Congo, en France et dans les pays d’Afrique de l’Ouest, d’où une fuite des cerveaux car la plupart ne reviennent pas, l’emploi étant aussi un problème.

Plusieurs ONG, comme AZUR Développement, l’Association des professionnels de TI (AIP), le Comité pour la promotion des technologies de l’information au Congo (COPTIC) et le Réseau des télécentres communautaires du Congo donnent accès à de l’équipement informatique et à une formation en informatique de base. Plusieurs écoles et centres privés forment également des techniciens en TI, notamment dans l’entretien des réseaux et des systèmes informatiques.

Les compagnies de téléphonie mobile forment elles-mêmes leur personnel. En 2007, le budget de formation de Celtel Congo s’élevait à 1 578 000 dollars. En 2008, l’entreprise a consacré 1 450 000 dollars à la formation en plus des 60 000 dollars dépensés par le groupe pour former la haute direction, soit un total d’un milliard de francs CFA consacrés à la formation.

Des entreprises étatiques comme l’Office de l’informatique congolais offrent une formation et des services de TIC connexes.

On constate des différences entre les hommes et les femmes dans l’éducation aux TIC. Les hommes ont tendance à étudier dans le domaine technique, comme l’entretien et les réseaux et sont des développeurs alors que les femmes apprennent plutôt les compétences informatiques de base. Il est également difficile pour les quelques femmes qui suivent des cours techniques de trouver un emploi et la plupart d’entre elles finissent comme secrétaires.

Mesures à prendre

Étant un pays en développement, la République du Congo est en retard dans l’appropriation des TIC pour le développement. D’autres pays africains se sont engagés avec succès à promouvoir les TIC et à mettre en œuvre des stratégies nationales pour le développement des TIC. Ayant reconnu le rôle qu’elles peuvent jouer dans le développement économique et social, le gouvernement devrait avoir pour priorité d’investir davantage et de rendre les TIC plus abordables pour les Congolais. Il devrait également formuler une politique de TIC sensible au genre. Les organisations internationales pourraient soutenir les organisations de la société civile à cette fin.

L’électricité et les routes constituent un problème grave en République du Congo. C’est pourquoi le développement des TIC doit se faire en parallèle au développement des infrastructures de base comme les routes et l’électricité, ainsi que la formation, sinon tous les efforts seront vains. Il faut également réduire le coût de l’accès, y compris celui de la connectivité internet et du matériel informatique.

Le pays doit se doter d’un cadre légal approprié pour atteindre ces objectifs et compter avec la participation tant des pouvoirs publics au niveau le plus élevé que de la société civile.

Références

 

Centre de développement de l’OCDE/Banque africaine de développement/Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique, 2008, African Economic Outlook 2008. OCDE/BAD/CENUA.

Ministère des Postes et des Télécommunications, Stratégie nationale pour le développement des technologies de l’information et de la communication, 2004.

Niombo, S., Implication de la société civile des pays de l’Afrique centrale dans les politiques des TIC : le cas de la République de Congo, 2008. Panos Institute West Africa.

Présentations de Celtel, MTN, Warid, MIGALE-SMS et COPTIC pendant la semaine des TIC au Congo, Brazzaville, juin 2008.