Rwanda

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Organization

Rwanda Development Gateway Centre, National University of Rwanda

 

Introduction

Le Rwanda, un pays enclavé à forte densité de population de l’Afrique de l’Est, est situé au sud de l’équateur et a une superficie de 26 338 kilomètres carrés. On estimait sa population à 9 139 919 habitants en 2008 (CNE, 2008). La population, très jeune, dont 63 % vit en dessous du seuil de pauvreté de 1 dollar par jour, connaît une croissance rapide de 2,9 % par an. L’engagement du pays à l’égard de l’égalité entre les sexes a permis une forte représentation des femmes dans les postes décisionnels. Parallèlement aux récentes réformes législatives, ces changements devraient permettre de réduire les inégalités auxquelles est confrontée la population.

Malgré le génocide de 1994 et des problèmes de pauvreté, le Rwanda est loué dans la région comme le pays qui s’est le plus engagé et a adopté l’approche la plus unifiée pour assurer la diffusion et l’exploitation des technologies de l’information et de la communication pour le développement. Le pays essaie de trouver la voie qui lui permettra d’atteindre les objectifs énoncés dans sa vision 2020.

Aujourd’hui, le Rwanda possède un point d’interconnexion internet (IXP), un parc de TIC, un centre informatique national et un réseau de télémédecine qui relie les hôpitaux et les universités dans le but de transformer et d’améliorer les services de santé dans les régions mal desservies. Mais en dépit d’une très forte volonté politique d’accorder une grande priorité aux TIC, les tendances actuelles révèlent plusieurs lacunes, notamment l’insuffisance de l’infrastructure, le coût des services de TIC et la coordination insuffisante des initiatives de TIC.

Ce rapport s’intéresse au chemin parcouru par le Rwanda pour passer d’une économie agricole à une économie du savoir grâce à la création d’un secteur de services compétitif.

Contexte politique

Le Rwanda a commencé à formuler une politique de TIC intégrée à la fin des années 1990 dans l’optique d’une intégration des TIC à la planification et à la politique générale de développement socioéconomique. Connu sous le nom de Plan national de l’infrastructure de l’information et de la communication (NICI), celui-ci doit être mis en œuvre en étapes de cinq ans correspondant à différents domaines. Le plan NICI II actuel (2006-2010) sert de point de référence. C’est également le cadre sur lequel s’appuie l’objectif à long terme du gouvernement visant à transformer le pays en une riche économie du savoir s’appuyant sur une politique de développement socioéconomique tirée par les TIC (Gouvernement du Rwanda, 2006, p.13).

Le pays a connu d’importantes réformes sur le plan de l’économie et des télécommunications, visant à améliorer la compétitivité du secteur des télécoms et attirer l’investissement étranger. Parmi ces réformes, citons la création de la Rwanda Utility Regulatory Agency (RURA) ayant pour mission de promouvoir une concurrence juste, d’améliorer la qualité des services et de créer un environnement propice à attirer les investisseurs afin d’améliorer la prestation des services. Cette mesure a été prise en conformité aux obligations d’accès universel établies par l’Union internationale des télécommunications (UIT).

Pour sa politique de TIC, le Rwanda s’est inspiré de celle de Marché commun de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique australe (COMESA), formulée pour servir de guide à l’élaboration et l’application harmonieuse des TIC dans les États membres. À cette fin, un cadre stratégique de comblement du fossé numérique Rwanda-Tanzanie a été créé pour offrir des services abordables, généralisés et de grande qualité et pour créer un secteur régional des TIC concurrentiel tout en établissant un environnement propice à la diffusion et au développement durable des TIC.

Accès physique à la technologie

Rwandatel, le principal opérateur de services fixes et fournisseur de service internet, possède une dorsale micro-ondes nationale assez importante qui couvre la capitale, Kigali, et les principales régions urbaines et semi-urbaines. L’opérateur a construit un anneau de fibre autour de Kigali ainsi qu’une liaison reliant Kigali à Butare dans le sud du Rwanda. Il possède également un réseau d’accès multiple à répartition de code (AMRC) en plus de la dorsale micro-ondes. MTN RwandaCell et Rwandatel ont commencé à poser de la fibre à l’est du pays près de la frontière tanzanienne. Le réseau de MTN recouvre environ 75 % du pays, y compris Kigali et quelques villes rurales.

Le déploiement de fibres optiques le long des routes principales devrait être terminé d’ici 2010. À partir du circuit principal de fibre optique, l’internet sera acheminé dans l’ensemble du pays par les technologies sans fil. On s’attend à ce qu’entre la dorsale de fibre optique et le sans fil Wimax de 3,5 gigabytes par seconde (Gbps), l’ensemble du pays sera couvert et le Rwanda deviendra alors le pays le mieux connecté d’Afrique de l’Est (RIEPA, 2007). La première phase, sur 134 kilomètres, est déjà en cours (New Times, 2008). La compagnie d’électricité Electrogaz a également décidé d’installer un réseau de fibre optique privé le long de son réseau.

D’autre part, le projet Karisimbi joue un rôle important pour améliorer les communications électroniques et les capacités de radiodiffusion, non seulement au Rwanda, mais dans les régions frontalières des pays voisins. Ce projet a pour but de fournir une capacité de communication à faible coût et grande capacité aux populations rurales et urbaines et étendra la couverture de la téléphonie mobile, de l’internet, de la télévision et de la radio FM pour rejoindre le plus grand nombre de personnes. Il cherche également à offrir des capacités de sécurité et de surveillance aérienne à travers un système de surveillance de la navigation et de gestion du trafic aérien (CNS/ATM) qui a déjà été approuvé par le COMESA. Une fois opérationnel, le projet devrait réduire le coût des communications d’environ 50 % en moyenne au Rwanda.

Plusieurs initiatives sont en cours pour améliorer l’accès de la population aux TIC. Par exemple, le gouvernement installe des télécentres communautaires polyvalents dans tout le pays pour faciliter la diffusion des TIC (RITA, 2007).

Les pouvoirs publics ont également lancé un autre projet, le ICT Bus Project, développé par l’Agence rwandaise des technologies de l’information (RITA - Rwanda Information and Technology Authority) et qui devrait être lancé d’ici la fin de l’année. Ce programme prévoit l’utilisation de deux autobus, chacun totalement équipé d’un laboratoire informatique, que pourront utiliser les agriculteurs, les commerçants, les étudiants, les femmes, les groupes de jeunes, les entrepreneurs et autres Rwandais vivant en zone rurale (RITA, 2008).

Quant au secteur privé, le sondage Scan ICT (Gatera, 2007) montre que l’utilisation des TIC dans les entreprises n’en est qu’à ses débuts. Un certain nombre d’entreprises connaissent les TIC mais ne les utilisent pas et seules quelques-unes possèdent un site Web.

Avant juin 2004, les fournisseurs de service internet (FSI) utilisaient les opérateurs internationaux pour acheminer leur trafic local et international. Le coût élevé des liaisons satellite et les retards de connexion rendaient cette situation insupportable et limitait la croissance de l’internet au Rwanda.

En octobre 2003, l’Agence de coopération et de développement international suédoise (SIDA) a aidé le Rwanda à créer un point d’interconnexion internet (IXP). Le projet d’interconnexion internet du Rwanda (RINEX) est entré en service en février 2004. RINEX maintient le trafic local au niveau local et économise de la bande passante internationale (Gatera, 2007).

Certains FSI hésitaient à se connecter à RINEX, pensant que l’IXP serait géré par Rwandatel puisqu’elle en est l’hébergeur. Les FSI ont été quelque peu rassurés à la suite d’une déclaration de RINEX assurant sa neutralité. Il faut également élaborer une politique sur les points d’interconnexion internet au niveau national pour en garantir la pérennité.

Le processus de demande de licence pose problème pour les nouvelles entreprises de télécommunication qui souhaitent s’installer au Rwanda. Les retards de traitement sont fréquents et contribuent à retarder l’extension des TIC dans le pays.

RDes recherches récentes menées par Research ICT Africa (RIA) montrent que le Rwanda accuse un retard dans un certain nombre de domaines techniques, de la régulation des tarifs à l’interconnexion en passant par la gestion du spectre. Selon les auteurs, cela indique un « manque général de capacité du régulateur ainsi que l’absence d’un environnement réglementaire visible dû non seulement au régulateur, au Ministère des communications et aux opérateurs privés, mais aussi à la société civile et aux universitaires » (Esselaar et autres, 2007, p. 45).

Adéquation de la technologie

Les installations de communication se trouvant essentiellement dans les villes où sont basés les opérateurs des télécoms, la radio est la principale source d’information du Rwanda en raison de sa facilité d’utilisation et d’accès pour plus de 94 % de la population qui vit dans les régions rurales (RITA, 2007). L’absence d’alimentation électrique dans les régions éloignées entrave le développement des installations de communication.

Néanmoins, le secteur de la santé commence à tirer parti des TIC pour diffuser des informations portant sur les soins de santé sûrs et efficaces. Le projet TRACKNet, lui, est une base de données qui sert à recueillir sur le terrain des données sur le sida à l’aide de téléphones cellulaires équipés d’un système de réponse vocale interactive (IVR), d’un service général de radiocommunication par paquet (GPRS) et de la technologie SMS (Index, 2008).

Il y a lieu de mentionner également le projet Un ordinateur portable par enfant (OLPC – One Laptop per Child) dans le cadre duquel 5 000 ordinateurs portables sont distribués aux enfants des écoles primaires en une période de cinq ans. Le projet est confronté à des problèmes de mise en œuvre, notamment la difficulté de rejoindre les régions rurales. Pour Carine Umutesi, en charge du projet RITA, il faudra organiser des campagnes de sensibilisation auprès des enfants scolarisés et des enseignants pour assurer le succès du projet. Le manque de ressources pédagogiques sur ordinateur portable est un autre problème. Les enfants ne comprennent pas tous les versions anglaises. D’autre part, la technologie évolue si rapidement que le programme OLPC pourrait être obsolète très rapidement[1].

Mesures à prendre

Un certain nombre d’initiatives, de projets et d’activités ont été entrepris par les secteurs public et privé. Mais les organismes qui mettent en œuvre ces initiatives ne collaborent pas ou ne communiquent pas entre eux, d’où un doublement de certaines activités (DICTM, 2008). Il est recommandé que le gouvernement fasse davantage pour encourager les synergies. Il faudrait notamment renforcer le pouvoir de la RITA de gérer et de surveiller toutes les initiatives de TIC.

Le niveau de sensibilisation aux TIC est assez faible dans la population et même au sein de certaines organisations. Malgré l’utilisation très répandue du téléphone mobile à Kigali, les avantages de l’utilisation d’autres technologies ne sont pas bien connus (DICTM, 2008). Il est recommandé que le gouvernement du Rwanda soutienne et encourage les organisations de la société civile à assumer un rôle de sensibilisation et à encourager l’adoption des TIC dans la société.

Pour le moment, le secteur des TIC du Rwanda connaît une croissance rapide et cette tendance devrait se poursuivre dans les prochaines décennies. L’engagement du gouvernement rwandais à l’égard des TIC est considéré comme une noble cause par la population. L’adoption des TIC pour contribuer au développement socioéconomique du Rwanda est une stratégie à long terme et le pays, pour le moment, continue de jeter les bases d’une économie du savoir. On ne doit pas s’attendre à ce que les efforts déployés actuellement aient une incidence réelle sur le niveau de vie général avant plusieurs années.

Le renforcement des capacités humaines dans le secteur des TIC est cependant une question essentielle qui doit faire l’objet d’une attention immédiate. Outre les programmes de perfectionnement des ressources humaines, les programmes élaborés dans les établissements d’enseignement supérieur doivent être conçus pour répondre aux besoins du marché du travail rwandais et aux demandes de la technologie en évolution, particulièrement dans le secteur des TIC (Banque mondiale, 2007).

Références

 

Banque mondiale, ICT at Glance, Rwanda, 2007. Voir à: devdata.worldbank.org/ict/rwa_ict.pdf

CNE (National Electoral Commission), Final Voter List Statistics, 2008. Voir à: www.comelena.gov.rw/index.php?&Effectif

DICTM (Danish ICT Management), Support to RITA and RURA for Monitoring Competition and Developing Regulatory Framework within ICT services (financé par le PNUD), Kigali, DICTM, 2008.

Esselaar, S., Gillwald, A. et Stork, C., Towards an African e-Index 2007: Telecommunications Sector Performance in 16 African Countries, Johannesburg, Research ICT Africa (RIA), 2007. Voir à: www.researchictafrica.net/images/upload/Africa_comparativeCORRECTED.pdf

Gouvernement du Rwanda, An Integrated ICT-led Socio-economic Development Plan for Rwanda 2006-2010: The NICI-2010 Plan, Kigali, MININFRA, 2006.

Gatera, E., Scan ICT Baseline Survey Report. ICT Indicators: Measuring Usage and Penetration (Draft), Institut national des Statistiques du Rwanda (NISR), 2007.

Index, Pioneering ICT in Rwanda's Health Care System, The Index Magazine, janvier, pp. 18-23, 2008.

New Times, Business Sector to Foot Bill for Fibre Infrastructure in Rwanda, The New Times, 15 août, 2008. 
Voir à: www.balancingact-africa.com/news/back/balancing-act_419.html

Nsengiyumva, A., Habumuremyi, E. et Haba, S., Pro-Poor ICT Project Report – Rwanda: A Community-driven Network, Kigali, PNUD, 2007.

RIEPA (Agence rwandaise pour la promotion des investissements et des exportations), ICT Sector Profile, 2007. 
Voir à: www.rwandainvest.com/spip.php?article88

RITA (Agence rwandaise des technologies de l’information, Business Plan Model for the Multipurpose Community Telecentres, Kigali, RITA, 2007.

RITA, ICT Buses to bridge the digital divide in Rwanda, 2008.
Voir à: www.rita.rw/spip.php?article132

 


Notes de bas de page

 

[1] D’après une interview avec l’auteur, le 30 avril 2008.