Équateur
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L’instabilité politique en Équateur a mené à un manque de continuité dans la formulation des plans de développement national dans le secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC). Plusieurs initiatives ont été interrompues ou n’ont pas été mises en œuvre.
Cette instabilité a eu notamment pour effet l’abandon de projets d’expansion du réseau de téléphonie fixe, l’absence de supervision et de contrôle de l’installation de la téléphonie publique dans les régions rurales, l’accumulation de la dette que les opérateurs de télécommunication doivent au Fonds de développement des télécommunications (FODETEL) et l’insuffisance de la mise en œuvre de programmes comme le déploiement des télécentres.
Certaines avancées ont néanmoins été faites et des initiatives positives ont été prises. La réduction sensible du coût de l’accès internet et l’incorporation dans la nouvelle constitution du droit d’accès aux TIC sont des signes de progrès.
Le taux d’accès aux TIC en Équateur est un des plus bas de la région. Selon les données du Conseil national des télécommunications (CONATEL), en août 2008, le taux de pénétration du téléphone fixe était de 13,39 %, alors que le pourcentage des abonnés au mobile était de 78,64 %. C’est un phénomène que l’on retrouve dans plusieurs pays de la région, où la téléphonie cellulaire répond aux besoins que la faible couverture de téléphonie fixe ne réussit pas à assurer.
En revanche, selon la même source, le taux de pénétration de l’internet n’est que de 2,2 %, et celui de la large bande de 0,7% seulement – parmi les plus bas en Amérique du Sud.
Un grand nombre d’abonnés continuent de se connecter à internet par accès commuté, mais cette méthode affiche une tendance à la baisse. La plupart des gens utilisent la technologie de la ligne d’abonné numérique asymétrique (ADSL). D’autres technologies commencent à apparaître comme les réseaux d’abonnement à la télévision par câble coaxial et l’accès sans fil par les réseaux cellulaires.
Le taux d’électrification en Équateur est supérieur à 90 % de sorte que l’accès à l’électricité en soi n’est pas un vrai problème. Mais on constate un écart important entre les régions urbaines et rurales en ce qui concerne les TIC. L’accès à la téléphonie fixe et à l’internet est en grande partie limité aux grandes villes.
Le Fonds de développement des télécommunications (FODETEL), qui est responsable de la promotion de l’accès à la connectivité en zone rurale, n’a pas réussi à terminer ses projets par manque de fonds (les opérateurs de télécommunication lui doivent encore de l’argent). De plus, plusieurs projets d’installation de télécentres ont été reportés. Le plus gros projet, PROMEC, a finalement été annulé cette année car l’opérateur responsable n’a pas pu installer les 1 120 télécentres qu’il s’était engagé à établir.
L’accès internet en Équateur est un des plus chers de la région puisque les prix, l’an dernier, étaient le double, voire le triple, de ceux des autres pays. Les opérateurs prétendent que ce coût est attribuable en grande partie au coût de la connectivité internationale par le câble pan-américain, dont la capacité est saturée. D’autres systèmes de fibre optique existent par la Colombie et le Pérou, ce qui a encore relevé le coût de l’accès internet en Équateur.
Devant cette réalité, le gouvernement a adopté un règlement spécial pour faciliter l’installation de nouvelles connexions par câble sous-marin. En novembre 2007, Telefónica International Wholesale Services (TIWS) a donc connecté l’Équateur par le câble SAM1, moyennant un investissement d’environ 40 millions de dollars. Rafael Arranz, le vice-président de TIWS, a déclaré que le coût de l’accès internet pourrait baisser de 30 à 40 % et a demandé aux fournisseurs de services à valeur ajoutée de « faire également leur part » pour réduire les coûts.
Les résultats commencent à se faire sentir, mais les utilisateurs n’en profitent pas encore. Il faudra peut-être encore attendre que les fournisseurs de services internet (FSI) optent pour d’autres solutions de connectivité et assument une partie de la responsabilité de la baisse des coûts.
La tendance régionale et mondiale est de réduire le coût unitaire de l’accès internet. Par conséquent, le coût de chaque kilobit par seconde (Kbps) va inévitablement baisser. Le coût de l’accès de base en Équateur se situe entre 15 et 30 dollars, avec des débits allant de 256 à 600 Kbps, ce qui n’est pas très loin de la moyenne régionale de 20 dollars à des débits de 300 à 600 Kbps. Andinanet, le plus gros FSI de l’Équateur, a publiquement annoncé qu’il doublerait le débit d’accès chaque année tout en maintenant ses tarifs jusqu’en 2010.
Jusqu’où peut baisser le coût de l’internet ? Ce sont les forces du marché et les interventions de l’État pour prévenir les distorsions qui le détermineront. Le problème de la connectivité internationale a apparemment été résolu, et les fournisseurs équatoriens devraient donc s’efforcer de maintenir l’internet accessible et bon marché. Les compagnies, le gouvernement et les universités sont responsables du développement des applications et du contenu qui donne un sens aux infrastructures pour que le citoyen moyen se rende compte que le « réseau des réseaux » peut améliorer sa vie et qu’il vaut la peine de le payer.
La législation et les règlements actuels sont dépassés face aux défis que représentent notamment le dégroupement des lignes d’abonné, l’installation et l’exploitation de réseaux convergents et le développement de réseaux sans fil communautaires. Le cadre réglementaire actuel est le résultat de six réformes de la Loi spéciale des télécommunications adoptée en 1992. Cette loi avait pour seul objet de privatiser l’opérateur de téléphonie étatique EMETEL. Mais après des années d’effort, peu de progrès ont été réalisés. C’est ainsi que le pays compte deux opérateurs étatiques possédant des monopoles régionaux.
Néanmoins, 2008 a été une année spéciale pour l’Équateur car l’Assemblée constituante nationale s’est attaquée à la formulation d’une proposition de nouvelle constitution qui a été approuvée par référendum en septembre.
Concernant les télécommunications, plusieurs aspects méritent d’être soulignés.
L’article 16 a surpris les défenseurs des droits en incluant dans les droits à de « bonnes conditions de vie », le droit d’accès universel aux TIC, ainsi que l’accès équitable aux fréquences du spectre.
De plus, l’article 17 énonce que l’État « assure l’attribution, au moyen de méthodes transparentes et égalitaires, des fréquences du spectre radio ». Cette assurance de transparence est importante. Des plaintes valides se font encore entendre au sujet de la pléthore de fréquences, avec plus de 300 fréquences qui sont attribuées sans avoir à répondre à des exigences techniques. Dans la majorité des cas, l’attribution des fréquences a été liée à des groupes politiques et économiques.
L’article 261 énonce que l’État a la responsabilité exclusive du « spectre radio et du régime général des communications et des télécommunications, des ports et des aéroports ». À cet égard, l’opposition a dénoncé le projet de contrôle des télécommunications par l’État, mais le parti au pouvoir a affirmé le droit de l’État à contrôler ces secteurs, sans exclure la possibilité de services de concessions. Ce désaccord devra être rapidement réglé par la nouvelle loi sur les télécommunications.
L’article 313 stipule que l’État « se réserve le droit de gérer, de réglementer et de contrôler les secteurs stratégiques conformément aux principes de développement durable… et d’efficacité ». Les télécommunications et le spectre radio font partie de ces secteurs stratégiques, ce qui suscite des préoccupations chez les opérateurs privés car outre la régulation et le contrôle des télécommunications, l’État se réserve le droit de les gérer.
L’article 347, qui donne à l’État la responsabilité d’incorporer les TIC dans l’éducation, est une autre surprise. Il y a lieu de noter comment l’utilisation des TIC dans l’éducation a été élevée à un niveau de principe constitutionnel. L’application de ce principe ne semble pas trop éloignée. Le plan national de connectivité 2008-2010, soumis en août, envisage d’investir 78 millions de dollars pour les écoles et autres établissements scolaires dans les deux prochaines années.
Finalement, concernant les ressources naturelles (qui comprennent le spectre radio), l’article 408 mentionne que l’État en est le propriétaire. Cet article en particulier a suscité la controverse car il stipule que l’État « participera à au moins 50 % des bénéfices découlant de l’utilisation de ces ressources ». Les médias ont rendu compte d’une proposition donnant un droit de confiscation qui enfreint le droit de propriété, mais les défenseurs de la nouvelle constitution ont fait valoir que là n’est pas l’esprit de la proposition, malgré des explications pas totalement convaincantes.
Il y a lieu de noter également que la nouvelle constitution facilite le processus de fusion, dans l’année qui suit, des compagnies de téléphone Andinatel et Pacifictel en une seule compagnie de télécommunications publique.
Il nous semble que la nouvelle constitution incorpore des principes et des droits nouveaux et positifs. D’autre part, plusieurs articles attribuent à l’État le rôle de régulateur et d’administrateur des télécommunications et lui confère une compétence exclusive. Un nouveau cadre réglementaire pour le secteur devrait préciser certaines questions fondamentales comme celles de la concurrence, de la gestion du spectre radio et la forme de participation des opérateurs privés. Par rapport à l’ancienne constitution, la nouvelle contient certainement des avancées et d’importantes contributions au secteur des télécommunications. Mais il reste quelques points à clarifier pour certains secteurs.
Compte tenu de l’instabilité politique que connaît le pays, le cadre réglementaire obsolète, la faiblesse des autorités, ainsi que l’absence d’une vision à long terme, ont été des facteurs déterminants qui ont façonné le paysage actuel des TIC. Plusieurs plans, programmes et projets n’ont été que des déclarations de bonnes intentions comme en témoigne clairement le tarif forfaitaire de l’accès internet commuté, qui n’a pas été appliqué pendant cinq ans et qui maintenant, en 2008, semble devenu inutile.
Le Plan national pour le développement des télécommunications (2000-2005) n’a jamais été appliqué et jamais évalué. Nous ne saurons donc jamais s’il aura été d’une quelconque utilité. Le gouvernement a récemment adopté un plan pour 2007-2012 qui contient 16 cibles, 94 objectifs et 319 indicateurs. Mais ces derniers n’ont pas été non plus mesurés.
La dernière initiative gouvernementale est le Plan national de connectivité, qui prévoit un investissement de presque 900 millions de dollars sur les deux prochaines années. Nous avons besoin d’en savoir plus sur l’utilisation de ces fonds.
Pour renforcer et améliorer l’accès physique aux technologies, l’État doit énoncer clairement que l’accès aux TIC en tant que droit pour tous les Équatoriens est une réalité. La bonne mise en œuvre des projets prévus dans le Plan national de connectivité sera la meilleure mesure de cet engagement.
Quant au coût de la technologie, il faut chercher à mieux comprendre la structure des coûts d’accès et viser la réduction des coûts de service. Il est également important de renforcer les organisations pour qu’elles puissent plaider pour des services de meilleure qualité et moins chers pour les consommateurs. Finalement, le régulateur doit posséder les compétences nécessaires pour incorporer, de façon innovante, des mesures pour réguler les tarifs au besoin.
La plupart des acteurs reconnaissent que le plus important est promulguer une nouvelle loi sur les télécommunications qui soit adaptée aux réalités de la convergence technologique et assure le service universel. Il est donc impératif de lancer un processus participatif pour débattre des principes de cette nouvelle loi.
« Ce n’est pas la forme du gouvernement qui assure le bonheur d’une nation, mais les vertus des dirigeants et des juges », a dit Aristote. Cela pourrait sûrement s’appliquer à l’Équateur. Au-delà des lacunes de la loi ou de son manque de pertinence et de sa désuétude, la faiblesse institutionnelle des organismes de réglementation et des autorités a joué un rôle déterminant dans le retard du développement des TIC et des télécommunications. Le favoritisme réglementaire qui fait en sorte que les bureaucrates favorisent des intérêts particuliers pourrait expliquer bien des aspects de la situation en Équateur. Les grands groupes économiques dirigent le réseau des intérêts dans un des secteurs les plus rentables de économie du pays. La corruption n’est pas étrangère à ce secteur et les autorités sont tout au moins coupables de ne pas agir.
Plan national de connectivité 2008-2010:
www.conectividad.org/archivo/regulacion/Plan_Conectividad.pdf
Conseil national des télécommunications (CONATEL): www.conatel.gov.ec
Plan national pour le développement des télécommunications 2007-2012:
www.conectividad.org/archivo/regulacion/conatel/Plan_Desarrollo_Telecomunicaciones.pdf
Nouvelle Constitution de l’Équateur 2008:
www.asambleaconstituyente.gov.ec/documentos/constitucion2008/constitucion_de_bolsillo.pdf
Fonds de solidarité: www.fondodesolidaridad.gov.ec
Fonds de développement des télécommunications (FODETEL): www.conatel.gov.ec